Saturday, July 30, 2016

20 juillet 2016 
Il vente encore énormément ce matin, mais le sud-ouest est beaucoup plus régulier et prévisible malgré ses sauts d'humeur jusqu'à 23 noeuds.  L'aventure nous appelle encore, on décide de piquer une pointe juaqu'à Baie Éternité.  
Témérité, témérité?

On remplit les vaches à eau mais ne pouvons pas faire le plein d'essence car nous sommes à mer basse et que la profondeur au quai de service ne le permet pas.  
Quitter le ponton qui nous a si bien protégé ces derniers jours est une affaire en soi!  Le vent s'amuse de Bellum malgré  les adroites manœuvres de son capitaine.  Heureusement que les marins sont toujours là pour prêter main forte.  Sans leur aide nous aurions probablement eu un départ beaucoup plus périlleux.
En tournant la Pointe de L'Islet nous avons la mesure exacte de ce que la rivière nous réservera.  Ni le vent, ni le courant nous sourira.  Seule la côte ouest favorisera notre progression.   
Paysages impressionnants d'immenses murs de roche tantôt dénudés tantôt couverts de conifères défilent lentement. Tout comme les peintres de la renaissance le représentaient, le vert du premier plan se transforme en indigo un peu laiteux sur les montagnes les plus éloignées. 
Que dire de notre escapade dans le fjord?  Que Bellum a fendu les vagues sans problème soulevant des embruns qui nous ont salé et refroidi à la fois.  Que l'eau de la rivière Saguenay est d'un kaki limpide et profond et la crête des vagues a des nuances de jaune soleil parsemée de petites bulles blanches.
Notre arrêt à l'anse St-Jean ne sera pas de tout repos. Accoster contre un vent de 16 noeuds qui nous repousse du quai n'est pas une mince affaire. Une amarre dans chaque main j'essaie de retenir Bellum jusqu'à ce que Allan vienne me prêter main forte.
Malheureusement, nous ne pouvons pas rester au quai de service, il nous faudra s'amarrer au quai municipal.  La manœuvre s'avère plus que périlleuse.
Je saute sur le ponton et parviens in extremis à attacher l'amarre arrière à une bite avant qu'un coup de vent de plus de 18 noeuds n'éloigne la proue du quai.  J'attrape l'amarre qu'Allan me lance du bateau et avec toute l'énergie de mes 61 ans je tire, je tire, je tire.   Rien y fait, les 10 tonnes de Bellum conjuguées à la force du vent se jouent de moi.  La poupe est maintenant contre le quai et le bateau perpendiculaire à celui-ci, Allan saisit l'occasion et vient me rejoindre.  Ce n'est qu'après de longues minutes de souque à la corde que nous réussirons à replacer Bellum et à la sécuriser.


Nous nous attachons à la bouée d'ancrage #3 dans la Baie Éternité vers 18h30 après une promenade bien méritée dans le joli village de l'Anse St-Jean et à l'heure idéale pour se cuisiner un bon repas.

21 juillet 2016

Un bruit de plus en plus assourdissant nous réveille. À travers les hublots nous voyons des nuages d'eau  qui s'avancent vers nous.  On dirait un homard géant pataugeant à la surface...c'est l'aéroglisseur de la garde côtière du Canada.
De l'autre côté de la baie un superbe voilier sur son flanc piégé par la basse mer.  Les gens s'affairent autour de lui sans pouvoir le libérer. Il faudra patiemment attendre la pleine mer pour le voir partir.  Plus tard, nous apprendrons, presqu'à nos dépends, que la bouée à laquelle il était attaché n'était pas sécuritaire.
Le début de la matinée se passe paresseusement.  Allan gonfle le kayak et on savoure le petit déjeuner tout en admirant le paysage.  Nos plans de randonnée sont compromis par la pluie qui s'abat sur nous. Une sieste s'impose!
15h00.  Nous voulons profiter de la baie une autre nuit. Après plusieurs appels j'apprends que notre bouée n'est plus disponible mais que nous pouvons nous attacher à la numéro 6. C'est super, le tour est joué.  Pendant ce temps, le nouveau locataire informe Allan que la bouée numéro 6 est celle-là même qui a causé l'échouement du voilier ce matin.
Retour à Tadoussac obligé sur une eau calme et accueillante.

22 juillet 2016
Quitter Tadoussac 1 heure à 1 heure 30 après la basse mer à Pointe au Père  afin d'atteindre Cap à l'Aigle en début de soirée.  L'heure de départ prévue est donc midi.
C'est une baie toute différente qui se présente à notre regard ce matin. La plage s'est allongée de moitié sous l'effet des grandes marées de pleine lune. 
Nous préparons Bellum pour le retour au bercail.

Comme à chaque fois qu'on quitte le quai pour plusieurs heures de trajet, j'ai l'inquiétude au fond des tripes et le souffle court.  Qu'est ce que la nature va nous réserver?
Sera t'elle hostile, sera t'elle clémente?  
Il ne reste plus que quelques minutes avant la grande épopée, le soleil se veut rassurant et la mer semble calme.  En moi s'entrechoquent les émotions.  C'est le trac d'avant concert, ces interminables minutes passées à se torturer, à essayer de se contrôler, de se calmer, de se dire que tout ira bien mais d'être incapable de s'en convaincre tout à fait.  Puis on largue les amarres comme on entre en scène, le torse bombé et la tête haute avec le désir inébranlable de se dépasser et d'en retirer une immense satisfaction.
11h50 Que le spectacle commence!  Toutes les teintes de gris et de bleu se mêlent.  À l'horizon, le ciel et la mer se confondent.  Les bateaux chargés de touristes curieux entrent et sortent de l'embouchure dunSaguenay en saluant notre passage.
La visibilité est quelque peu réduite aujourd'hui, une mince fumée blanche s'est déposée au pied des montagnes cachant le bas de la côte. Assise à l'entrée de la descente, à l'abri du froid et du vent, je scrute la surface de l'eau.  Pas si facile de distinguer les bélugas des crêtes des vagues. Mais plusieurs croiseront notre passage.
15h05 Nous avançons maintenant à une vitesse de 6,2 noeuds sous la pluie.  
16h00  Encore trois bonnes heures avant d'atteindre Cap à l'Aigle.  Bien au chaud à l'intérieur, je remercie Allan de braver la pluie et le brouillard qui s'épaissit de plus en plus. À toutes les deux minutes il actionne la corne de brume pour signaler notre présence.
16h48 Une couverture de ouate nous enveloppe complètement, visibilité nulle!  Je n'ai pas eu conscience de l'épaississement du brouillard, le changement s'est fait trop rapidement.
17h30 Nous voilà enfin arrivé et en sécurité.  
Nous passerons une soirée mémorable à la bonne table du Resto du Refuge à écouter le musicien Gilles gratter sa guitare et interpréter un répertoire varié des années 60 à nos jours.
22h55 Dodo bien mérité!

23 juillet 2016
On se réveille tout doucement, le ciel est d'un bleu intense sans nuage.  Il fait presque chaud!   Toc toc toc, on frappe à la coque.  Quelle surprise, c'est Marc et Denyse qui nous invitent à déjeuner.  Marc, ancien collègue de travail et ami a suivi notre périple sur "Marine Traffic" et est venu nous cueillir ce matin pour nous faire découvrir son coin de pays.  Nous passerons une bonne partie de la journée en compagnie de Denyse, excellente guide touristique, à visiter le Manoir Richelieu et à revivre son adolescence et sa jeune vie d'adulte dans ces lieux.  
Puis ils nous offriront l'apéro dans leur nouveau condo et nous inviterons à casser la croûte dans un petit boui-boui fort sympathique.
Une journée bien remplie et en bonne compagnie.

24 juillet 2014
Il fait encore très beau et chaud ce matin avec un vent du sud-ouest.  Parfait, nous quitterons un peu plus tôt et en profiterons pour faire un peu de voile. Selon nos calculs nous devrions quitter entre 1heure à 2heures après la basse mer à Pointe au Père, donc vers 1h30.
Il fait trop beau, on y tient plus, il est 12h30, on largue les amarres.
Le courant contraire va nous déporter 3 milles en aval...excellent!  On vient de rallonger notre trajet d'autant.  Heureusement nous n'avons que 20 mn à parcourir. 
On arrive à l'Ile aux Coudres à 19h00 et on réussit de peine et de misère à s'ancrer avec 4,2 noeuds de courant.  

25 juillet 2016
Île aux Coudres
3h07 Bien au chaud sous les couvertures, les yeux grand ouverts, je regarde à travers l'écoutille, les étoiles qui défilent. L'alarme du profondimètre se fait entendre puis c'est au tour de celle de l'ancre. Elles nous avertissent que le courant est entrain de se renverser et qu'il faut se préparer à partir.
Le câblot d'ancre est de nouveau coincé sous la quille.
4h50 on quitte définitivement l'Île avec un courant favorable sous un lever du jour rouge feu.
Journée parfaite, on avance vite et bien en choisissant de passer par le chenal du nord.  On découvre de nouveaux paysages mais on navigue sur une eau brune et opaque. On a une superbe vue de Ste-Anne de Beaupré et sa Cathédrale, on passe sous le pont de l'Île d'Orléans puis tout près du Bassin Louise, du YCQ mais comme il est encore tôt, on pousse un peu plus loin jusqu'à Portneuf.
Erreur, le courant se renverse et tranquillement mais sûrement ralentit notre avancée.
14h32 Averses dispersées 
16h30 On jette l'ancre à Cap-Santé un peu en aval de Portneuf et juste un peu à l'écart de la voie maritime.
Une petite anse pas très bien protégée mais avec un fond qui assure une bonne tenue.

26 juillet 2016
Les rapides du Richelieu
10h10. On vient tout juste de quitter notre anse et assise à l'entrée de la descente j'aperçois Wicko, un Titan de 623 pieds de long et de 75 pieds de large  pendant que Laurentia Desgagnés, une Valkyrie d'une longueur de 738 pieds et d'une largeur de 105 pieds se pointe maintenant à l'horizon.  Ici, le fleuve ressemble plutôt à un long corridor effilé et ne garantie en rien notre survie. Dès que Wicko nous dépasse, on se faufile derrière lui pour laisser toute la place à Laurentia.  Un peu plus tard, nous devrons défendre notre espace lors d'une rencontre à quatre un peu plus périlleuse.
On voit maintenant le pont Laviolette approcher et on décide de faire le plein d'essence et la vidange sceptique avant d'aller s'ancrer à l'embouchure de la St-Maurice.  La marina de Trois-Rivières offre de bons services. On peut rester à quai pour 5$/heure le temps d'aller faire l'épicerie en ville ou d'aller se payer un bon petit gueuleton. Le service de taxi est très fiable et efficace.

27 juillet 2016
Chaque jour nous apporte son lot de surprises.
7h00  Tac tac, métal contre métal c'est ce qui m'a réveillé ce matin.  Je sors la tête par l'écoutille et deux voiliers nous épaulent sur tribord.  Notre ancre a chassé.  Nous sortons à toute vitesse et après plusieurs essais réussissons à nous déprendre et à nous réancrer de nouveau.
Nous quittons Trois-Rivieres vers 10h00 on annonce un vent favorable pour franchir le lac St-Pierre. Malheureusement ce ne sera pas le cas nous devrons lutter contre un vent d'Ouest de 15 noeuds et un courant de 2 noeuds.   Nous franchirons presque la moitié du trajet la grand voile arisée et plein génois en tirant des bords à travers la voie maritime.  Puis nous affalerons tout pour  continuer à moteur.  Tout va bien jusqu'à ce qu'un bruit se fasse entendre et qu'on se mette à perdre de la vitesse.  C'est sûrement des algues qui ralentissent notre course.  On met Bellum à la renverse et un gros paquet de salade se libère de notre quille.   On fait route maintenant beaucoup librement et étrangement sans vibration...quel bonheur!  À peine une heure plus tard un autre bruit inusité nous fait réagir.  C'est comme si un objet s'était pris autour de l'hélice et frappait la coque.  On arrête le moteur, Allan plonge pour voir ce qui se passe.  Encore des algues, il en arrache tout plein.  Horreur, à la dernière plongée, le teint livide, une poignée d'algues à la main, il m'informe que le support de l'arbre du moteur est brisé.  C'est grave, il nous reste encore quelques milles à faire avant de pouvoir s'ancrer.  Devrait-on continuer jusqu'à Sorel?  12 milles nautiques à parcourir, c'est long, beaucoup trop long.  Après plusieurs appels à droite et à gauche on se rend compte qu'il ne sera pas facile de faire réparer Bellum.  Plus on approche des îles de Sorel, plus les mouches à chevreuil nous assaillent,  elles sont voraces!  Allan se fait mordre à la main et au pied, il ne cesse de se gratter.
19h30, La traversée du lac St-Pierre terminée, on décide de s'ancrer à l'île de Grâce pour y passer la nuit.
Après vérification, le bris du support de l'arbre du moteur ne semble pas trop dangereux pour l'instant.  Bonne nouvelle, aucune infiltration d'eau.  Quelle chance, on va pouvoir dormir sur nos deux oreilles.  Eh bien non!  Les moustiques vont se mettre de la partie et vont m'empêcher de rejoindre les bras de Morphée.

28 juillet 2016 
Journée d'attente.
Allan a une main et un pied enflés par les morsures de mouches à chevreuil, ça le rend fou!  Il ne peut s'empêcher de gratter.  Il se fait des compresses de vinaigre qui semblent lui donner un peu de soulagement. Il fait vraiment beau aujourd'hui mais on ose pas trop sortir du bateau, on se fait manger tout rond!
Nous attendrons le retour d’appel de l’assurance jusqu’à 15h00 après qu’Allan ait tirer quelques ficelles.  
17h00 La garde côtière 1205 vient à notre rescousse.  
Ils nous remorquent jusqu’au Parc Nautique Fédéral de Sorel où ils nous attachent au quai de service avant de nous quitter définitivement.  Malheureusement, nous ne pouvons pas rester là, le jeune qui s’occupe de la place nous aidera à bouger le bateau à main pour l’amarrer à un autre ponton.
18h30 Comme Bellum est en sécurité maintenant, une petite marche à la découverte de la ville de Sorel nous fera le plus grand bien.  Le centre ville est fort joli et effervescent.  On retourne au bateau par la promenade du parc fédéral dont la balustrade est mise au service d’une sympathique exposition de dessins d’enfants.  
Sommeil profond et réparateur.

29 juillet 2016
De Sorel à Excavation St-Ours.
Un autre remorquage nous attend aujourd’hui car là où nous sommes, ils n’ont pas l’équipement nécessaire pour nous sortir de l’eau.  C’est la compagnie de remorquage Boisvert qui viendra nous chercher vers 14h30 pour nous tirer pendant un peu plus de 5mn sur la rivière Richelieu jusqu’à St-Ours.
Passer sous le premier pont qu’on croise sur la rivière est troublant.  Nous n’avons pas le contrôle de notre voilier et contrairement à nous, nos remorqueurs ne ralentiront pas…stressant!
Rendus à bon port, on est laissé à nous-mêmes.  Personne en vue pendant plusieurs minutes puis, du haut de la côte descend une petite voiturette électrique.  Deux hommes viennent à notre rencontre et s’informent de la longueur, de la largeur et du tonnage de Bellum puis disparaissent de nouveau.
Voilà qu’arrive le « Travel lift » hydraulique tiré par un gros tracteur.  En moins d’une heure et demi, notre bébé est sorti de l’eau et posé très adroitement sur des supports triangulaires.  
Nous sommes soulagés et en sécurité.
L’entreprise Excavation St-Ours est une entreprise familiale très professionnelle et serviable.  On nous a offert l’eau, l’électricité et une salle de bain si on veut passer de la nuit sur place…tout juste si on nous a pas offert un tapis rouge.  L’hotel cinq étoiles au milieu d’un champs!
Finalement, c’est le fils du proprio qui nous ramènera à Montréal sur la rue Monkland.
On attend la suite qui ne viendra sûrement pas avant lundi.

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